Apprendre à distinguer l’imparfait et le passé simple

Suite à une discussion avec des collègues qui enseignent le français au collège, quelques propositions pour enseigner à distinguer le passé simple et l’imparfait.

Je commencerais par la lecture régulière de livres de contes et de récits qui utilisent ces temps. Les professeurs de lettres connaissent tous très bien des petites filles et des petits garçons qui commencent très jeunes à avoir l’intuition de ces temps, parce que leurs parents leur lisent des histoires — et comme ils sont professeurs de français, bien souvent ils transforment l’usage systématique du présent de narration en temps du passé. Si on ne lit pas aux enfants, à voix haute, souvent, de telles histoires, on est ensuite obligé de passer par des théories qui ne marchent pas — ou alors, qui marchent mais sont bien compliquées, quoique nécessaires quand on enseigne le français comme une langue étrangère ou comme une langue seconde.

Donc la lecture. Mais d’abord la lecture à voix haute : si le passé simple n’est plus qu’un temps de la prétendue « langue écrite », il est mort, il n’existe plus à plus ou moins brève échéance. S’il existe dans la haute langue orale, comme le dit Christian Montelle, il peut devenir intuitif. D’ailleurs c’est valable pour ces intermédiaires entre la lecture à voix haute et la conversation courante que sont les fables, les contes, les épopées.

Je m’arrête un peu sur la question du conte. Montelle, professeur de français et conteur, défend, dans son essai, défend la pratique de conter en utilisant le passé simple et l’imparfait. Même quand on conte de mémoire, avec une part d’improvisation. Je m’y essaie de temps en temps; au début j’avais tendance à ne conter qu’au présent de narration (et au passé composé). C’est une pratique courante chez les conteurs, qui ont souvent appris qu’il fallait éviter le passé simple à l’oral et que le présent de narration était nécessaire pour captiver l’auditoire. Mais je crois que venaient aussi s’insérer des imparfaits; puis il est arrivé une ou deux fois, après m’être forcé un peu, que je me suis surpris à conter avec des passés simples qui sont venus de façon vraiment naturelle, et surtout qui sonnaient naturellement.
Donc : des exercices comme ceux qu’évoque Véronique Marchais, auteur entre autres des manuels Terre des Lettres, et des fables, des contes, des épopées, à lire silencieusement, à voix haute, à apprendre par cœur, à réciter, à conter.

J’ai aussi idée que pour savoir utiliser l’un et l’autre, il faut commencer par savoir les repérer au plan morphologique, et que des exercices d’orthographe-conjugaison où l’on apprend d’une part à conjuguer correctement l’imparfait dans des phrases où on met l’imparfait, d’autre part à conjuguer correctement le passé simple dans des phrases où l’on met le passé simple peuvent être utiles. Il s’agit non de jeter l’élève dans des abîmes de perplexité pour choisir entre les deux temps qui sont très souvent possibles l’un et l’autre et réalité. Il s’agit de donner peu à peu l’intuition de l’un et de l’autre. Il s’agit aussi de donner l’ébauche de théorisation que nous avons eue, nous les vieux, parce que nous savions distinguer au plan morphologique les deux temps, de sorte que lorsque nous les rencontrions ces temps, notre cerveau pouvait se dire « Ah oui, d’accord, là il y a un imparfait, ici un passé simple. Je note ».

J’ai essayé de proposer une leçon et des exercices dans ce sens dans mon Cours d’Orthographe Française, conçu pour les lycéens et les étudiants, pp. 205-209 et 216-220. Vous verrez aussi que j’ai aussi essayé de proposer des exercices qui tentent d’utiliser les valeurs des temps théoriques, mais en évitant, encore une fois, les abîmes de perplexité… et, comme le recommande Jean Cassard, en évitant les phrases fabriquées ad hoc. N’hésitez pas à critiquer ! Voici ces pages.

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